Zahir V
Le Quatuor du Bout du Monde, composé de quatre membres de nationalités différentes, propose de défendre le travail de Simone Movio, en présentant sa pièce Zahir V, pièce importante et exigeante.
Biographie
Le Quatuor du Bout du Monde est l’heureuse rencontre de quatre jeunes saxophonistes en France.
Issus de quatre nationalités différentes (Etats-Unis, France, Israël, Australie), et même de quatre continents différents, ce groupe unique se retrouve autour d’un même instrument et d’une même passion pour la musique contemporaine.
Ces jeunes artistes sont venus en France recueillir l’héritage concertiste et pédagogique de la prestigieuse école Londeix avec des professeurs tels que Jean-Michel Goury et Marie-Bernadette Charrier.
Cette diversité culturelle au sein du quatuor est une réelle force qui vient enrichir chacun de ses membres ainsi que leur musique.
En savoir plus
Zahir V – Simone Movio
Dans le cosmos littéraire de Luis Borges il existe un objet banal, mais qui détient un pouvoir démonique : le zahir. Pour ceux qui le rencontrent, tout le reste se fond en arrière-plan. Le zahir peut faire disparaître l’univers entier : « Le temps, qui affaiblit les autres souvenirs, renforce ceux qui entourent le zahir. Il fut un temps où je pouvais imaginer d’abord le recto, puis le verso ; aujourd’hui je vois les deux côtés à la fois. […] Tout ce qui n’est pas le zahir arrive étouffé, comme lointain. » Cette métaphore littéraire illustre parfaitement l’idée (plus poétique que philosophique) que le tout est contenu dans chacune de ses parties. Borges et bien d’autres l’ont exprimée poétiquement. Dans la musique de Simone Movio, elle atteint son visage musical. L’idée qu’un compositeur ait intitulé une œuvre d’après l’objet imaginaire de Borges est uniquement une source de fascination superficielle. Les possibilités de réalisation musicale qui en résultent sont plus conséquentes. Alors que la littérature peut créer de telles choses et illustrer leurs conséquences, i.e., des formes alternatives de temps et de perspective, la musique peut en fait les réaliser et les présenter à nos sens. Zahir V (2011/12) pour quatuor de saxophones se déploie à partir d’une série de cellules motiviques contrastantes dans leurs sonorités et dans leurs combinaisons. C’est seulement à la fin de la pièce qu’il devient clair que ce qui s’est produit était un processus discontinu et non-linéaire de réduction et de concentration. La musique réalise alors ce que le zahir a engendré : une « vue sphéroïdale », du recto et du verso ; de l’intérieur et de l’extérieur ; du passé, du présent et du futur en même temps. La notion d’un « nunc » ou « hic stans » (comme formulé par les scolaires), une suspension de nos conceptions du temps et de l’espace, va de pair avec une perte de pouvoir du sujet. Quand tout est disponible en même temps, alors l’ego et sa vision du monde cessent d’avoir de l’importance. Du point de vue de l’art, ce n’est en aucun cas une perte, et le rejet total par Simone Movio dans sa musique de toute forme de reflet de soi ou de manifestation des sentiments a quelque chose d’extrêmement libérateur. « L’objectivité » dans le sens d’une force qui transcende l’égo, maintient ainsi une emprise dans toute sa musique ; cela est mis en évidence dans sa façon d’éviter les outils narratifs évidents tels que le furent les « thèmes ». Pour Simone Movio, la musique est plutôt une forme exacte de temps. De cette façon ses compositions créent des espaces d’expérience qui seraient hors de portée si contemplés d’un point de vue non-artistique. Ce que Borges affirme à propos de la littérature peut également être dit de la musique de Simone Movio : ce n’est rien qu’un rêve guidé.